Le printemps des poètes, c'était chouette...
Et la poésie est éternelle... 2 poèmes en hommage à Yves Bonnefoy de beauté toute pure...
Une autre fois.
Il faisait nuit encore.
De l’eau glissait Silencieusement sur le sol noir, Et je savais que je n’aurais pour tâche Que de me souvenir, et je riais, Je me penchais, je prenais dans la boue Une brassée de branches et de feuilles, J’en soulevais la masse, qui ruisselait Dans mes bras resserrés contre mon cœur. Que faire de ce bois où de tant d’absence Montait pourtant le bruit de la couleur, Peu importe, j’allais en hâte, à la recherche D’au moins quelque hangar, sous cette charge De branches qui avaient de toute part Des angles, des élancements, des pointes, des cris.
Et des voix, qui jetaient des ombres sur la route, Ou m’appelaient, et je me retournais, Le cœur précipité sur la route vide.
Je me souviens, c’était un matin, l’été, La fenêtre était entrouverte, je m’approchais, J’apercevais mon père au fond du jardin. Il était immobile, il regardait Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout, Voûté comme il était déjà mais redressant Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible. Il avait déposé la pioche, la bêche, L’air était frais ce matin-là du monde, Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel Le souvenir des matins de l’enfance. Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière, Je ne le savais pas, je ne sais encore.