"Ballade en compagnie des Poètes Niçois" Samedi 16 Avril à 17h à Puget Théniers
En attendant Samedi... Partage d'un Auteur Niçois qui nous touche beaucoup... Jean Michel Sananès... "Un chat dans la tête"...
"Très souvent, mes yeux se plissent, une brillance malicieuse s’en échappe avant même que je sache qu’une histoire saugrenue me parcourt. Mon chat, comme d’habitude, est assis dans ma tête à guetter le moindre rêve, le moindre délire. Il est là à regarder le même nuage que moi, un petit cumulus gris et triste qui a choisi de s’élever tout en haut du ciel. Faut dire qu’en bas, il y a pire que la valse noire des fumées et des cumulus-nimbus à la dérive, bien pire que la désespérance d’une ville déprimée qui ronge ses couleurs. En bas, il y a des passants vides qui traversent leur vie sans jamais voir le soleil ni tout ce que voit mon chat. En bas, il y a un monde enfermé dans la grande salle des pas perdus où des voyageurs sans boussole croisent leurs solitudes sans jamais regarder la course folle des nuages lancés à la poursuite du temps. En bas, ils ne sentent rien de cette odeur qui interpelle mon chat et l’inquiète. Ils ne savent rien de cette frayeur miaulée qui déclare que les nuages sont en feu et que le ciel s’abîme. Mon chat est perdu, il n’est plus dans sa sieste, il n’est plus non plus dans son assiette, sa gamelle est vide, l’amour se dépeuple, les étoiles se font la belle, les souris courent trop vite. Mon chat se sent seul. Il grommelle, interroge en de pathétiques miaous : où sont les pompiers du ciel et les faiseurs de pluie ? Je ne sais que lui répondre. Mon mutisme l’agace, je suis fatigué, épuisé, j’ai un chat dans ma tête, un autre dans la gorge, un chagrin qui passe, je joue à chacun pour soi. Je ne vais quand même pas passer ma vie à parler avec un chat ! Ce crime de lucidité et mon manque de compassion me déçoivent tellement que je me fâche avec moi, que j'éteins tous mes rêves. Mais ce qu’il y a de terrible quand je me fâche avec moi, c’est que je me retire de moi-même, de l’univers aussi, et cela mon chat le sait. Pourtant, je consomme la rupture. Elle est compacte et terrible comme une porte fermée dont j’ai égaré la clef. Je me perds de vue, j'en arrive à me croire si seul que je ne me parle plus, plus du tout, si bien que parfois je m’ennuie. C’est effrayant de se déserter quand on est un homme de l’intérieur et que personne ne vous voit ! Quand j’ai du chagrin, c'est ainsi, mon chat s’endort et les étoiles disparaissent, tout le monde s’en fout, et moi aussi !"